Le cantonnement est le droit pour le justiciable, condamné à indemniser son adversaire, de bloquer les fonds, en l’attente du traitement de son recours en appel ou de l’opposition qu’il a introduite, par un dépôt de devises ou de titres à la Caisse des dépôts et consignations.
Le cantonnement n’est toutefois pas un droit absolu ; l’interdiction légale la plus notable est celle visée à l’article 1404, alinéa premier, du Code judiciaire, frappant d’interdiction tout cantonnement lorsqu’il « s’agit d’une créance de caractère alimentaire »[1].
En outre, lorsqu’il statue sur le fond de la demande, le juge peut décider en toute hypothèse qu’il n’y a pas lieu à cantonnement pour tout ou partie des condamnations qu’il prononce[2].
Il est deux avantages notables au cantonnement :
― Cette procédure permet au justiciable-condamné d’éviter, en l’attente d’une décision définitive, la saisie de ses biens.
On relève d’ailleurs à cet égard que, dans le cas où l’exécution forcée a déjà été entamée, le cantonnement entraîne l’arrêt des saisies en cours et mainlevée des saisies opérées[3].
― Le cantonnement protège le justiciable-condamné contre l’insolvabilité de son adversaire, dans l’éventualité où la décision initiale serait réformée en appel ou sur opposition.
Dans la pratique, le cantonnement est en général initié par l’Huissier de justice instrumentant, à qui le justiciable-condamné remet une somme suffisante pour répondre des causes de l’exploit en principal, intérêts et frais. L’Huissier dresse alors procès-verbal et verse les fonds reçus dans les trois jours à un compte qu’il fait ouvrir au nom du justiciable-condamné à la Caisse des dépôts et consignations[4].
DE LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS
Les missions, le fonctionnement et l’organisation de la Caisse des dépôts et consignations sont régis par l’Arrêté royal n°150 du 18 MARS 1935 coordonnant les lois relatives à l’organisation et au fonctionnement de la Caisse des dépôts et consignations et y apportant des modifications en vertu de la loi du 31 juillet 1934[5].
La Caisse des dépôts et consignations est une Administration à part entière, sous l’autorité immédiate du Ministre des finances[6], chargée, à l’exclusion de tout autre organisme, de recevoir et de rembourser[7] :
― les dépôts et consignations en numéraire ou en valeurs, imposés ou autorisés par une disposition légale ou règlementaire ;
― les cautionnements en numéraire et en valeurs destinées à garantir, vis-à-vis d’une Administration publique ou d’intérêt public soit l’exercice de fonctions sujettes à une responsabilité pécuniaire, soit l’accomplissement d’obligations ou l’exécution d’entreprises auxquelles le public est intéressé.
La Caisse des dépôts et consignations n’accepte les dépôts volontaires que sur autorisation spéciale du Ministre des finances et dans les conditions que ce dernier détermine[8].
Il faut d’ores et déjà souligner qu’un droit de garde et d’administration est établi sur les valeurs confiées à la Caisse des dépôts et consignations. Des « frais de gestion » sont donc portés par la Caisse des dépôts et consignations à charge du déposant, dans les conditions et suivant le taux déterminé par le Ministre des Finances[9]
Tout dépôt de titres ou d’argent, donne lieu à une inscription en compte par la Caisse des dépôts et consignations au profit du déposant. Il est évidemment délivré une attestation de réception de dépôt ; cependant, l’inscription en compte forme titre envers la Caisse des dépôts et consignations[10].
On soulignera que la cession et la dation en gage du dépôt ne peuvent être opposées à la Caisse, si elles ne lui sont pas notifiées suivant les formes prescrites.
Tout dépôt à la Caisse doit être accompagné d’une déclaration spéciale[11] contenant toutes les indications nécessaires « pour mettre l’Administration centrale de la Caisse à même de constater la destination des sommes ou valeurs déposées »[12].
Ladite déclaration, signée par le déposant, tient lieu d’acte de gage prévu par l’article 2074 du Code civil et confère privilège au profit du gagiste sur les fonds déposés.
Outre les dépôts numéraires en euro ou en devises étrangères, sont également admis pour la constitution des cautionnements de toutes catégories à déposer chez le caissier de l’Etat pour compte de la Caisse des dépôts et consignations[13] :
― les titres émis ou garantis par l’Etat belge ou par ses collectivités publiques territoriales ;
― les titres émis par un autre état membre de l’Union européenne ou par ses collectivités publiques territoriales ;
― les titres émis par des établissements de crédit de droit belge visés dans l’article 13 de la loi du 22 mars 1993 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit, ou par des établissements de crédit relevant du droit d’un autre état membre de l’Union européenne, qui sont habilités en vertu de leur droit national à exercer dans leur état d’origine des activités bancaires reprises à la liste prévue à l’article 3, § 2 de la loi précitée du 22 mars 1993 ;
― les titres émis par les institutions internationales ou supranationales dont la Belgique est membre.
Pour être admissibles, les titres susvisés doivent[14] :
― à l’émission mentionner un capital nominal dont le paiement intégral sera garanti à l’échéance du titre ;
― être librement négociables ;
― être libellés soit en euro, soit en monnaie d’un état membre de l’Union européenne ;
― être pourvus de leurs coupons non échus.
DISPOSITIONS RELATIVES AUX CONSIGNATIONS JUDICIAIRES
Les Cours et Tribunaux ne peuvent ordonner ou autoriser des consignations en espèces ou en valeurs, que dans la Caisse des dépôts et consignations[15] ; toute consignation faite ailleurs serait nulle et non libératoire.
À titre dérogatoire, le cantonnement ne doit pas nécessairement être opéré à la Caisse des dépôts et des consignations ; de fait l’article 1403, alinéa premier du Code judiciaire autorise également le dépôt de valeurs « aux mains d’un séquestre agréé ou commis ».
Depuis le 1er janvier 2016, un bureau unique situé à Bruxelles traite les consignations judiciaires pour l’ensemble du pays ; les 27 agences réparties à travers le pays ont donc été supprimées.
Les consignations judiciaires comprennent au total 61 catégories[16], dont les principales sont :
― le cantonnement ;
― les fonds de faillites ;
― les indemnisations pour expropriations d’intérêt public ;
― les fonds appartenant à des mineurs ou à des personnes déclarées incapables ;
― toutes les mises en dépôts ordonnées par la justice ;
― les cautions pour mise en liberté provisoire (article 117 du Code d’instruction criminelle) ;
― les offres réelles (article 1257 du Code civil).
En aucun cas, les consignations judiciaires – et de facto cantonnements – n’interrompent prescriptions et délais.
Lors de la libération des fonds, la déclaration requise mentionnera les indications suivantes :
1.- nom, prénoms, adresse complète du déposant et, le cas échéant, de la personne d’ordre de qui il opère le versement ;
2.- qualité en laquelle agit la partie versante ;
3.- montant de la somme virée ;
4.- disposition légale, décision judiciaire ou administrative, en vertu de laquelle le dépôt a lieu ;
5.- dans la mesure du possible : noms, prénoms et domiciles des bénéficiaires ; quotité et nature de leurs droits (usufruit, pleine ou nue-propriété) ; date de naissance (s’il s’agit de mineurs) ; compte-chèques postaux auquel les paiements doivent être virés ;
6.- conditions auxquelles est soumis le remboursement lorsqu’elles ne sont pas fixées par la loi ou par les pièces remises à l’appui du dépôt.
On retiendra encore que les consignations judiciaires en valeurs étrangères ou en titres sont reçues par BELFIUS pour compte de la Caisse des dépôts et consignations.
DISPOSITIONS SPÉCIALES AUX CAUTIONNEMENTS EN NUMÉRAIRE
Toute personne qui entend déposer un cautionnement en numéraire est tenue de posséder un compte à BPost[17]. Le dépôt des cautionnements en numéraire s’effectue par virement au compte de chèques postaux n° 41 ouvert au nom de la Caisse des dépôts et consignations.
Le coupon de l’ordre de virement doit indiquer si le déposant agit en son nom personnel, comme mandataire d’un tiers ou comme bailleur de fonds de celui-ci. Dans les deux derniers cas, les nom, prénoms, profession et domicile du tiers, et, s’il s’agit d’une société, la dénomination exacte et le siège social de celle-ci, sont mentionnés sur le coupon.
Dans tous les cas, le coupon doit indiquer l’Administration au profit de laquelle le cautionnement est déposé et l’affectation précise de la garantie constituée par le cautionnement ; il doit, en outre, être signé par le déposant.
Au vu des pièces qu’elle a reçues de BPost, la Caisse des dépôts et consignations délivre un certificat d’inscription qu’elle adresse directement au propriétaire du cautionnement. Ce certificat d’inscription constitue le récépissé prévu par l’article 7 de l’arrêté royal n°150 du 18 mars 1935.
Lorsqu’un cautionnement est libérable partiellement ou totalement, la quotité remboursable du cautionnement augmentée des intérêts y afférents et restant dus, est liquidée par l’entremise de BPost.
QUID DE LA PROPRIÉTÉ DES VALEURS ?
Il importe de bien garder à l’esprit que le cautionnement judiciaire – et ispo facto le cantonnement – demeure la propriété de la personne qui en a fait le dépôt de ses deniers ou valeurs à la Caisse des dépôts et consignations[18].
Au demeurant, saisies-arrêts, oppositions et cessions relatives à des sommes ou valeurs confiées à la Caisse des dépôts et consignations peuvent être entreprises ; celles-ci sont signifiées, sous peine de nullité, à la Caisse.
À cet égard, on soulignera aussi que les saisies-arrêts et oppositions n’ont d’effet que pendant cinq ans, à compter de leur date, quels que soient les traités, actes de procédure ou jugements intervenus, à moins qu’ils n’aient été notifiés à l’Administration. Et, le terme de cinq ans ne prend cours, pour les saisies-arrêts et oppositions signifiées avant la consignation, qu’à dater du dépôt à la Caisse des sommes ou valeurs qui en sont grevées.
Autre élément à garder à l’esprit, qu’elles soient faites volontairement ou en exécution de la loi, tant que la consignation n’a point été acceptée par le créancier, le débiteur – ou justiciable-condamné – peut la retirer à sa guise.
RESTITUTIONS
La Caisse des dépôts et consignations ordonne la restitution des sommes ou valeurs consignées « dès que les pièces requises par les lois et règlements sur la matière lui ont été fournies et qu’elle en a reconnu la validité »[19].
La libération des fonds doit être sollicitée par l’Huissier de Justice instrumentant.
Dans le cadre d’un cantonnement, les fonds bloqués sont libérés :
― soit sur production d’un accord amiable conclu entre les parties à la cause ;
― soit sur présentation d’une décision judiciaire définitive, non-susceptible d’opposition, ni d’appel.
Si les justifications produites sont irrégulières ou incomplètes, ou si la Caisse a connaissance d’oppositions au payement, elle en avise les intéressés au plus tard dans les dix jours de la demande ou de l’autorisation de remboursement.
RECETTES ET DÉPENSES
Les recettes et les dépenses relatives aux dépôts en numéraire, autres que les consignations judiciaires, s’effectuent à l’intervention du compte ouvert à BPost au nom de la Caisse des dépôts et consignations[20].
La réception et la restitution des valeurs a lieu à l’intervention de la Banque nationale de Belgique agissant en qualité de caissier de l’Etat ; ces valeurs figurent à un compte spécial ouvert par la Banque à la Caisse des dépôts et consignations[21].
Sauf exceptions[22], la Caisse des dépôts et consignations paye pour le compte du Trésor un intérêt aux ayants droit de chaque somme consignée[23] ; le taux de l’intérêt est fixé par le Ministre des Finances.
Aux termes de l’Arrêté ministériel du 13 OCTOBRE 2016 fixant le taux d’intérêt applicable aux consignations, aux dépôts et aux cautionnements confiés à la Caisse des dépôts et consignations[24], le taux d’intérêt est égal au rendement des emprunts publics belges (OLO) sur le marché secondaire d’une durée résiduelle d’un an tel que publié quotidiennement par la Banque Nationale de Belgique.
En raison des conditions actuelles de marché, le taux pratiqué pour le moment est de zéro pourcent (0%).
L’intérêt des dépôts en numéraire est payable, sauf exceptions légales, par année[25] ; et, n’échappe guère au précompte mobilier (!).
USUCAPION
On demeurera attentif que les sommes déposées, à quelque titre que ce soit, à la Caisse des dépôts et consignations sont acquises à l’Etat lorsqu’il s’est écoulé un délai de trente ans sans que le compte auquel ces sommes ont été portées, ait donné lieu à une opération de versement ou de remboursement ou sans qu’une demande dûment justifiée tendant à la restitution des capitaux ou au payement des intérêts ait été notifiée à la Caisse[26].
Le délai de prescription trentenaire prend cours à partir de la date du versement ou, le cas échéant, de la dernière opération à laquelle le compte a donné lieu.
Et, il en va de même des titres ou valeurs reçus par la Caisse des dépôts et consignations[27].
Votre Dévoué,
[1] Cf. Code civil, Article 10, §3, Des règles particulières aux baux relatif à la résidence principale du preneur : « Il ne peut être disposé du compte bancaire, tant en principale qu’en intérêts, ni de la garantie bancaire ni du compte sur lequel la reconstitution de la garantie s’est effectuée, qu’au profit de l’une ou l’autre des parties, moyennant production soit d’un accord écrit, établi au plus tôt à la fin du contrat de bail, soit d’une copie d’une décision judiciaire. Cette décision est exécutoire par provision, nonobstant opposition ou appel, et sans caution ni cantonnement. »
[2] Vid. Code Judiciaire, Art.1406.
[3] Article 1403 du Code Judiciaire : « Le débiteur sur qui une saisie a été faite ou permise à titre conservatoire, peut, en tout état de cause, libérer les avoirs sur lesquels elle porte ou faire obstacle à la saisie, en déposant, soit à la Caisse des dépôts et consignations, soit aux mains d’un séquestre agréé ou commis, un montant suffisant pour répondre de la créance en principal, intérêts et frais. Quand la saisie porte sur des sommes, ce dépôt peut être fait au moyen des fonds saisis ; quand elle porte sur d’autres biens, il peut avoir lieu au moyen du produit de la vente de tout ou partie de ceux-ci. Le débiteur se pourvoit préalablement devant le juge des saisies, lequel règle le mode et les conditions du dépôt des fonds et s’il échet, de la vente de tout ou partie des biens saisis. »
[4] Vid. Code Judiciaire, Art.1405.
[5] Arrêté royal n° 150 du 18 MARS 1935 coordonnant les lois relatives à l’organisation et au fonctionnement de la Caisse des Dépôts et Consignations et y apportant des modifications en vertu de la loi du 31 juillet 1934, M.B., 21.03.1935, pp. 1778 et ss.
[6] Arrêté royal n° 150, op. cit., Art.4.
[7] Arrêté royal n° 150, op. cit., Art.1.
[8] Arrêté royal n° 150, op. cit., Art.10.
[9] Arrêté royal n° 257 du 12 MARS 1936 instituant un droit de garde et d’administration à appliquer aux valeurs déposées à la Caisse des dépôts et consignations, M.B., 25.03.1936, pp. 1786 et ss.
[10] Arrêté royal n° 150, op. cit., Art.7.
[11] Les formules de ces déclarations et les renseignements qu’elles doivent contenir pour chacun des services de la Caisse sont déterminés par arrêté ministériel.
[12] Arrêté royal n° 150, op. cit., Art.8.
[13] Arrêté royal du 16 JANVIER 2001 relatif aux valeurs admises pour la constitution des cautionnements à la Caisse des Dépôts et Consignations, M.B., 01.02.2001, pp. 2691 et ss.
[14] Arrêté royal du 16 JANVIER 2001, op. cit..
[15] Arrêté royal n° 150, op. cit., Art.2.
[16] Arrêté ministériel du 27 MARS 1935 pris en exécution de l’arrêté royal n° 150 du 18 mars 1935 coordonnant les lois relatives à l’organisation et au fonctionnement de la Caisse des dépôts et consignations, M.B., 05.04.1935, pp. 2197 et ss.
[17] Arrêté ministériel du 3 AVRIL 1963 relatif à certains cautionnements en numéraire et en valeurs déposés à la Caisse des dépôts et consignations, M.B., 27.04.1963, pp. 4515 et ss.
[18] Arrêté royal n° 150, op. cit., Art.9.
[19] Arrêté royal n° 150, op. cit., Art.11.
[20] Arrêté royal n° 150, op. cit., Art.13.
[21] Arrêté royal n° 150, op. cit., Art.14.
[22] Nota : Ne sont pas productifs d’intérêts : les dépôts en numéraire effectués par application des lois du 24 juillet 1921 et du 10 avril 1923, sur la dépossession involontaire des titres au porteur ; les capitaux qui restent moins de trois mois en dépôt ; les capitaux et parties de capitaux qui n’atteignent pas 2,50 EUR ; les intérêts non encaissés des sommes déposées ; ni, les dépôts en numéraire effectués par application de la loi du 14 décembre 2005 portant suppression des titres au porteur – Arrêté royal n° 150, op. cit., Art.19.
[23] Arrêté royal n° 150, op. cit., Art.16.
[24] Arrêté ministériel du 13 OCTOBRE 2016 fixant le taux d’intérêt applicable aux consignations, aux dépôts et aux cautionnements confiés à la Caisse des Dépôts et Consignations, M.B., 26.10.2016, pp. 71831 et ss.
[25] Arrêté royal n° 150, op. cit., Art.18.
[26] Arrêté royal n° 150, op. cit., Art.25.
[27] Arrêté royal n° 150, op. cit., Art.26.
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